L’enregistrement de la conférence est en ligne, merci à la Régie Zabbalin
Et aussi le compte-rendu écrit de la conférence…Merci Jocelyne…
Conférence du 28 Janvier 2017 Henri Pena-Ruiz |
Remerciements à Christian Bisanti et aux auditeurs
- Avant toute chose Henri Pena-Ruiz rend hommage à ses amis de Charlie Hebdo assassinés par des fanatiques religieux. La République a été blessée gravement.
Le 7 janvier est un douloureux anniversaire, le 8 janvier il y a eu l’attentat antisémite à l’hyper cacher de la porte de Vincennes, relayés par les attentats du Bataclan ;
Porter atteinte à la liberté d’expression, au libre débat, à la mise en débat des conceptions, qu’elles soient religieuses ou athées, des conceptions du monde, c’était remettre en question des choses essentielles.des choses qui valent, des valeurs mais aussi des principes (« princeps » en latin = règle première sur la base de laquelle on organise la vie commune dans un cadre juridique et politique permettant à des êtres d’origines différentes, de convictions différentes, les uns religieux, les autres humanistes athées ou agnostiques, de vivre ensemble, pacifiquement, cordialement, avec les différences dans un espace public soustrait à toute main mise particulière).
Voilà ce qui se joue dans la construction d’un cadre laïc.
Tous ces événements ont mis en cause la possibilité pour les êtres humains d’avoir une pluralité de conceptions du monde, de styles de vie , d’approche de la réalité, ce qui doit être garantie par la démocratie et par a figure républicaine de la démocratie qui apporte l’idée du bien commun, la République ‘Res Publica : la chose publique)
Il faut aussi revenir sur les propos scandaleux qui ont suivi Qu’on puisse dire « ils l’ont bien cherché » est un scandale abject.
Il est nécessaire de rappeler quelques évidences :
Qu’est-ce qui est respectable en République: La religion ? L’athéisme ? La vision du monde ?
NON, ce qui est respectable, ce n’est pas la doctrine mais la personne en elle-même dans sa liberté de choisir sa conviction ; le délit, c’est le rejet des personnes du fait qu’elles sont ce qu’elles sont ; le délit raciste est précisément le rejet d’une personne en raison de ses convictions, d’un peuple parce qu’il est ce qu’il est.
Les journalistes de Charlie n’ont jamais rejeté une personne pour ce qu’elle est ; ils respectaient la ligne rouge qui sépare le permis du défendu,; ils n’ont jamais insulté un musulman comme tel mais, en revanche, ils ont rejeté une doctrine religieuse fanatique parce que c’est elle qui produit la mort , c’est elle qui est mortifère.
Caricaturer une religion est de l’ordre du permis. Charlie n’a pas bafoué des êtres.
Rejeter des êtres humains du fait de leur religion est de l’ordre du défendu.
Il faut rappeler cela : les journalistes de Charlie n’ont pas bafoué des êtres.
De même quand on parle d’islamophobie, si « phobie » signifie « peur panique », ce n’est pas une faute : on a le droit d’avoir peur de l’Islam MAIS on n’a pas le droit de rejeter les musulmans comme tels. Il ya une différence entre rejeter des êtres et rejeter des doctrines. Le débat démocratique est la mise en question des doctrines pour les approuver ou non.
Même Le pape François a dit : « quand même, si on dit du mal de ma mère, je donne un coup de poing ». Mais dire du mal de sa mère n’est pas dire du mal d’une doctrine. Comment un chrétien peut-il justifier une violence par ces mots ? Comment peut-il accepter que le registre de la violence physique soit validé ? C’est hallucinant.
Certains enseignants ont eu du mal à faire respecter la minute de silence demandée : ils devaient expliquer auparavant pourquoi attenter à la liberté démocratique d’expression n’est pas envisageable.
- il faut débrouiller l’embrouillamini sur la notion de laïcité.
On parle de laïcité « plurielle », »ouverte », « inclusive » : c’est la seule notion à laquelle on ajoute des adjectifs ;tout se passe comme si les adversaires de la laïcité étaient honteux de la rejeter mais cherchaient à cacher leur rejet par des adjectifs polémiques. Pour
Pena Ruiz la laïcité se passe d’adjectifs.
La notion de laïcité fait aujourd’hui l’objet d’un travail inlassable de polémique et relativisation constante.
Il cite les derniers livres de Jean BAUBÉROT.
Le titre même du “Petit manuel pour une laïcité apaisée” suggère que ce n’est pas le fanatisme religieux qui a besoin d’être apaisé mais la laïcité elle-même. C’est scandaleux.
Dans son autre livre “Les 7 laïcités françaises. Le modèle français de laïcité n’existe pas “, la laïcité est comme assignée à résidence.
Il cite « la laïcité concordataire » qui existe encore en Alsace-Lorraine . Le Concordat ( sous Napoléon 1801-1807) établit une liste de privilèges consentis par la puissance publique comme l’enseignement de la religion dans l’école publique sauf si les parents demandent une dérogation. Ce qui veut dire que l’on doit manifester sa conviction, ce qui est attentatoire au principe de liberté de conscience. En même temps, le système de dérogation signifie que la religion est la norme et la non-religion la dérogation à la norme. Cela induit une hiérarchisation des convictions attentatoire au principe de liberté mais aussi attentatoire au principe d’égalité qui dit que tous les citoyens doivent jouir des mêmes droits et libertés.
Ce concordat est incompatible avec la laïcité ; laïcité et concordat c’est un cercle carré.
80 Millions lui sont consacrés, versés par tous les contribuables de France.
Voilà comment un penseur invente plusieurs laïcités mais il n’y en a qu’une.
- Il n’y a qu’une laïcité qu’on peut définir par 3 disciplines complémentaires : l’Histoire, la Philosophie, le Droit
- Histoire :
Que se passe-t-il quand la religion au lieu de rester une démarche libre qui n’engage que le croyant passe à la volonté d’une domination politique ?
→ Du sang et des larmes
Au 3ème siècle le christianisme devient religion d’Etat alors qu’il était minoritaire. Sous Constantin (Concile de Nicée) et Théodose.
On en fait une orthodoxie, un dogme théologique. On passe d’une spiritualité déliée à une religion avec dogmes à caractère obligatoire. Ceux qui n’obéissent pas sont appelés hérétiques (= dissidents).
- première hérésie : Arius au 4ème siècle :
Ce prêtre s’oppose à propos de l’incarnation de Dieu en Jésus Christ (originalité de la théologie catholique). Arius dit que non : J.C n’est pas son incarnation mais un homme inspiré par Dieu.
L’Eglise le condamne : répression physique et interdiction d’officier.
- Deuxième hérésie : les Cathares au début du 13ème siècle
Les Cathares ‘(du grec « katharos » = pur) s’opposent à l’Eglise qui mêle temporel et spirituel. Contrairement à l’Eglise catholique, pour les Cathares, il y a 2 principes irréductibles : le Mal et le Bien ; pour accéder au Bien il faut une vie de pauvreté. Ils ont des similitudes avec le manichéisme.
Saint Augustin les condamne fortement ; pour lui, il n’y a qu’un principe, celui du Bien et ce principe doit composer avec le Mal
A la question « comment rendre compte de l’existence du Mal sur terre», l’Eglise répond : les hommes sont libres, ils peuvent choisir.
A cela, Les théologiens disent que l’homme est donc sorti imparfait des mains du Créateur.
Or non, ce n’est pas possible : Dieu n’a pu créer un homme imparfait.
Et Dieu n’a pas créé l’homme parfait car, s’il avait été parfait, l’homme n’aurait pas été libre.
Donc si un être parfait n’est pas libre, Dieu, Etre parfait, n’est pas libre.
Les cathares ne sont pas convaincus. Pour eux il y a 2 principes.
La laïcité n’est pas antireligieuse : les croyants qui ne cherchent pas à imposer leur religion sont respectables.
D’ailleurs la laïcité combattra l’athéisme.
L’Union soviétique qui persécuta l’église orthodoxe à un moment donné de l’histoire était autant anti laïque que la Pologne catholique qui impose la prière publique dans les écoles. Autrement dit, la laïcité, c’est l’acceptation de la liberté de conscience, du pluralisme des convictions mais ce n’est pas la machine de guerre contre les religions.
Remarque : les islamistes commencent par réprimer les islamistes qui ne pensent pas comme eux comme les chrétiens au début du christianisme contre les aryens et les cathares .
→l’Eglise organise une croisade contre les cathares et les albigeois parce qu’ils ne souscrivent pas au dogme de l’Eglise.
Devant Béziers, les soldats du Christ se demandent comment reconnaître bons et mauvais chrétiens. « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » leur dit Arnaud-Amaury, abbé de Citeaux, légat du pape et chef de la croisade.
Comment l’Eglise catholique qui théoriquement est porteuse d’une religion d’amour (“aime ton prochain comme toi-même”) a-t-elle pu accepter cela et même susciter cela ?
Même un saint ( Saint Bernard) est allé jusqu’à justifier la répression physique. Il invente la théorie des 2 glaives :
L’Eglise a 2 glaives dit Bernard de Clairvaux devenu Saint Bernard.
-le glaive symbolique de l’excommunication
-le glaive physique de la mort qu’elle n’utilise que par l’intermédiaire de l’empereur qui devient son bras séculier, bras temporel. Le politique est enrôlé par l’Eglise pour régler les affaires religieuses.
Elle les utilise tour à tour.
La théorie des 2 glaives va justifier le recours à la violence.
Alors effectivement on voit ce qui se passe quand il y a mélange de la spiritualité et du pouvoir politique ou du pouvoir de contrainte sur les hommes ; c’est la répression des hérésies, la censure de la science. C’est l’Eglise qui condamne en 1545 le mémoire scientifique de Copernic le Revolutionibus Orbium Coelestium (Des révolutions des sphères célestes) qui rejette le géocentrisme (la Terre était immobile au centre de l’univers, tous les astres tournant autour) au profit de l’héliocentrisme (le soleil centre du monde ).
Elle le rejette au nom du livre de Josué dans la Bible. Le plus violent
Josué marche vers la Terre promise, il conquiert Jéricho . Dieu lui donne en holocauste les tribus qu’il rencontre. Pour achever sa victoire devant les remparts de la ville de Gabaon il demande à Dieu d’arrêter la course du soleil car la nuit arrive. Dieu s’exécute. Et Josué parachève sa victoire ;
Quand Copernic publie son traité et pose l’idée de la terre qui tourne sur elle-même, L’Eglise le condamne car ce n’est pas dans les Ecritures : si le soleil s’est arrêté, c’est que c’est lui qui tourne autour de la terre. Elle interprète littéralement lee livre de Josué
On censure la science au nom d’un mythe, d’un récit religieux.
Je rappelle qu’en 1600, 50 ans après le mémoire, Giordano Bruno a repris les idées de Copernic disant que l’univers est infini et qu’il n’a pas de centre, il est condamné par l’inquisition à se rétracter : il refuse. Il a été brûlé vif à Rome, langue arrachée.
Brûler vif un hérétique, c’est pour un chrétien une double peine : en ne l’inhumant pas, on l’empêche de souscrire aux exigences de l’inhumation (l’Eglise est contre la crémation : « poussière tu étais, poussière tu redeviendras)
→il est puni dans l’au-delà et l’en deçà !
Je rappelle qu’en Espagne Torquemada, le grand Inquisiteur, a fait brûler vif beaucoup de juifs et de musulmans qui étaient soupçonnés de continuer à pratiquer leur religion alors qu’ils avaient accepté leur conversion du bout des lèvres. L’Inquisition est lancée par Isabelle la Catholique contre les « nouveaux convertis » pour savoir s’ils étaient vraiment convertis.
C’est l’histoire terrible du quemadero , page noire de l’Espagne.
Censure de la science mais aussi censure de l’Art :
Ainsi le Jugement dernier de Michel-Ange a été censuré par le Pape à cause de la nudité .Le pape suivant demande à Daniele da Volterra , élève de Michel-Ange, de repeindre des culottes et des voiles sur les corps.
On pense à Tartuffe « Cachez ce sein… » et à la réponse de Dorine « Et je vous verrais nu du haut jusques en bas Que toute votre peau ne me tenterait pas.”
L’Islam a donné une dimension radicale à l’obligation de cacher son corps .Ce devrait être à l’homme de se maîtriser et non à la femme de se cacher pour ne pas être suspectée de séduction .
Ce caractère unilatéral est expressif de la domination patriarcale dans les 3 religions du Livre .
Dans ces 3 religions, il y a domination de l’homme sur la femme :
- Le péché d’Eve (cueillette du fruit défendu → chassés du paradis)
- Saint Paul : «Genèse 3 verset 16b : « Et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.»
« Femmes, soyez soumises à vos maris comme il convient dans le Seigneur. Maris, aimez vos femmes et ne vous aigrissez pas contre elles »
→la femme doit être soumise
- Dans le Coran, parce qu’ils se chargent de l’entretien des femmes,les hommes sont responsables de leurs femmes.. Dieu a assigné ceci : Les hommes ont toutefois sur elles préséance d’un degré.
Yvette Roudy, ministre des droits de la femme de 1981 à 1986 dit que le mari est le chef de famille. C’est lui qui choisit le domicile et sa femme est obligée de le suivre.
Les 3 religions ont sacralisé la domination d’un sexe sur l’autre. Exerçons notre raison :
Qui parle ? Dieu ou les hommes ?
Ce sont les hommes qui rejettent leurs préjugés sur Dieu. Je ne suis donc pas tenu d(obéir à cette phrase car elle ne peut pas être le fait d’une puissance bienveillante et juste.
Le croyant et la croyante font un tri sur la littéralité du texte. Ils peuvent refuser de se plier.
Un Dieu éternel ne peut pas partager les préjugés d’une époque donnée.
La laïcité demande d’émanciper de la loi religieuse et permet ainsi aux femmes de sortir de la dépendance.
Rappel : Ata Turc décide que la loi musulmane de décidera plus, l’égalité des sexes est proclamée dès 1926. En 1934 elles ont le droit de vote. (en 1944 en France)
Mariage pour tous
Marianne, l’allégorie de la République, porte le bonnet phrygien de l’esclave affranchi (processus de la libération et de l’indépendance)
→ce n’est pas de la Liberté établie que Marianne est le symbole mais du processus de libération.
Les femmes ont juste besoin de savoir ce qui, dans les textes sacrés, vient de Dieu et ce qui vient des hommes.
La laïcité est l’émancipation..Ce n’est pas seulement la sécularisation (le transfert de l’autorité religieuse à l’autorité civile), ce à quoi la réduisent certains théoriciens.
La notion de « chef de famille », il ne faut pas seulement lui donner un caractère civil après qu’elle ait eu un caractère religieux, il faut la faire disparaître. L’homme et la femme sont également chef de famille, autrement dit, il n’y a plus de chef mais un exercice de l’autorité parentale pour les 2.
La notion de chef de famille n’a aucune légitimité.
Dans la lecture coranique littérale, le fait que la femme ait un degré de moins de préséance que l’homme se marquait dans les transactions commerciales car le témoignage d’un homme valait 2 témoignages d’une femme.
Dans une sourate, il y a pire : « l’homme ira à sa femme quand il le voudra et comme il le voudra ».Cela ressemble à un viol.(acte subi par une femme alors qu’elle ne veut pas le subir).
C’est réduire la femme à un objet de désir. C’est la dessaisir de sa fonction de sujet (celui qui fait l’action). La femme est réduite à un objet dans les 3 religions.
Un grand penseur musulman nous aide : Averroès.
Dans « le discours décisif »,édité par Garnier-Flammarion, il explique comment il faut lire le Coran qui est un texte métaphorique avec plein d’images ; il dit « quand un verset du Coran heurte ma raison, je dois l’interpréter au second degré ». Cette recommandation de lecture est à l’opposé des littéralistes, des fanatiques et des fondamentalistes.
Il nous livre ainsi un moyen d’esprit critique par rapport aux textes sacrés. Un texte a été écrit dans un certain contexte, dans un autre contexte c’est différent : seule ma raison me dit si je peux y souscrire ou non. La raison me permet de faire le tri dans la lecture. Il y a des choses que je peux rejeter, d’autres que j’accepte. L’idée d’avoir un regard critique est rejetée par les fanatiques.
Averroès a fondé l’herméneutique, l’art d’interpréter les textes.
Je me dis : ce texte est le témoignage d’une époque patriarcale révolue. Je ne peux pas l’accepter s’il reconduit la domination patriarcale. Ma raison tranche. A partir de la religion qui est la mienne, je ne peux pas tout accepter. Après tout, Dieu m’a donné une raison, un esprit critique, la possibilité de penser ; je dois en faire usage, je ne suis pas un béni oui oui.
Alors dans l’histoire des croyants et des athées pour échapper aux violences, ils se sont dit « l’intolérance religieuse est inacceptable ». Et on va se tourner vers la philosophie qui est
l’art de prendre soin de ses pensées et qui va établir dès la philosophie grecque le principe de la liberté de conscience.
- La Philosophie
Marc-Aurèle, stoïcien et empereur dit de la conscience qu’elle est une « citadelle imprenable ». (cf le livre sur Marc-Aurèle « la citadelle intérieure »).
La liberté de conscience est le principe majeur que la philosophie du Droit va mettre en avant ; la conscience est imprenable : les tortionnaires nazis n’ont pas pu prendre l’âme de Jean Moulin sous la torture.
La philosophie va s’interroger sur les violences de l’Histoire. Elle va les corriger. Elle va fournir à travers une philosophie du droit naturel l’idée extraordinaire portée par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen que les hommes ont des droits par nature :
La liberté et l’égalité sont consubstantielles à leur être.
C’est pour cela que la Déclaration de 89 commence par :
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »
Le mot important est « naissent » : la liberté n’est pas de l’ordre de l’Avoir mais de l’Etre.
La liberté n’est pas un bien que je pourrais avoir ou ne pas avoir : Rousseau
Dès lors quand on pose dans le droit naturel que les hommes sont par nature libres et égaux, on pose aussi qu’aucune puissance politique quelle qu’elle soit ne peut porter atteinte à ces droits.
Il y a alors refondation juridique qui va correspondre avec l’abolition de la monarchie de droit divin, avec la tentative de mise en place d’une monarchie parlementaire constitutionnelle (mais Louis XVI ne joue pas le jeu) et enfin l’instauration de la r République
avec la souveraineté démocratique (le peuple se donne à lui-même des droits –cf le contrat social de Rousseau)
Dès lors les hommes ont des droits. Un pouvoir ne peut pas les leur retirer. Conséquence :
Article 10 : Nul ne pourra être inquiété pour ses opinions même religieuses.
L’histoire violente du cléricalisme est corrigée. Terme définitif mis à toutes les persécutions.
Rappels :
L’affaire Calas. à Toulouse en 1762
La rumeur publique l’a conduit à être mis à mort –dernière mise à mort d’un protestant parce qu’il est protestant
Le Chevalier de la Barre en 1766, supposé athée libre penseur qui n’a pas retiré son chapeau devant une procession – dernier grand crime du fanatisme religieux catholique.
Dès lors la philosophie des droits de l’Homme, la Déclaration redéfinissent les principes de la vie commune dans un Etat issu de la révolution française avec le suffrage populaire ; tout est prêt pour la philosophie laïque.
- Le Droit
Le principe de liberté assure la liberté de conscience.
1905 lois de séparation de l’Eglise et de l’Etat :
Désormais le culte religieux est libre mais n’engage que les croyants. Mêmes droits ni plus ni moins. Les privilèges de l’Eglise sont finis.
La loi supprime les budgets des cultes (les fidèles devront payer les prêtres)
La laïcité permet d’assumer ce qui est commun à tous.
Création de la Sécurité Sociale : la République laïque est en même temps une république sociale. Les hôpitaux accueillent athées et chrétiens.
La loi de 1905 n’est pas un mal pour les croyants. Il y a un passage du particulier au général. La sphère du Bien commun est offerte à tous. Les êtres humains n’ont pas à s’enfermer dans leur référence. On peut partager ensemble le bien commun.
La loi de 1905 garantit la neutralité de l’Etat (« neuter » en latin signifie « ni l’un ni l’autre »). Les principes universels sont bons pour le croyant et l’athée.
Remettre en cause les privilèges de la domination religieuse n’est pas remettre en cause la religion.
La laïcité = la liberté de conscience + l’égalité des droits+ Bien commun
Le mot est issu du grec « laikos « signifiant « du peuple ».
La philosophie propose des principes pour corriger l’Histoire mais le fanatisme religieux, l’intolérance sont réapparus.
Il existe 2 défauts en France à la laïcité :
- La Loi Debré qui permet le financement public des écoles religieuses ne respecte pas le principe de l’égalité des droits →loi discriminatoire
- Le Concordat qui existe dans 3 départements où il y a des discriminations
La laïcité n’est pas une spécificité française :
Mustafa Kemal Atatürk
Suarès au Mexique
Thomas Jefferson aux USA : « Il faut un mur entre l’Etat et l’Eglise »
Gandhi a rêvé d’un état laïc. Par la non violence il refusait de se soumettre. Mais Lord Mountbatten négocia dans son dos la création du Pakistan sur une base ethnico-religieuse; il y eu de nombreux morts.
Rappelons Victor HUGO dans son discours contre la loi Falloux qui dit « Je veux l’Etat chez lui et l’Eglise chez elle ».
Pour Jean Jaurès la loi de séparation de 1905 fut mutuellement libératrice.
Alors à la question « Pourquoi la laïcité ? » on peut répondre « pour ne pas s’enfermer dans les différences »
QUESTIONS
- Comment agir ?
ON s’aperçoit que chaque fois qu’une religion cherche à imposer son dogme, les autres font de même ce qui provoque un excès de bondieuseries, comme au Brésil les pentecôtistes et les protestants intégristes.
La seule solution est d’expliquer la laïcité en s’appuyant sur les ressources du cœur et de la raison (cf. Victor Hugo « Je veux que le cœur pense » dans sa lettre à George Sand)
Il ne s’agit pas de combattre les religions quand elles sont respectueuses des libertés d’autrui (cf. Rajoy qui a adopté un avant-projet de loi restrictif sur l’avortement en Espagne, cf. aussi NSAE « nous sommes aussi l’Eglise)
- Pourquoi êtes-vous contre la loi Debré puis qu’elle aide des écoles avec contrats d’association avec l’Etat et que les parents paient ce qui fait faire des économies à l’Etat ?
On peut faire de la morale qui est une valeur universelle. Or dans une école privée il y a prosélytisme religieux et but lucratif.
Le danger est que l’école privée est mieux dotée. L’argent qui va au privé ne va pas au public. Cet argent public qu’elles reçoivent vient des athées, des agnostiques aussi . Or l’argent public doit aller à l’école publique.
D’autre part les directeurs des écoles privées ont plus de liberté que ceux du public. Ils choisissent les enseignants et les élèves.
S(il y a hostilité, c’est au mode de financement non aux écoles.
- La France et la Turquie sont elles les seuls états laïcs ?
Théoriquement la France est un état laïc mais il y existe les lois Debré, Carle, et le Concordat.
En Espagne, l’article 16 dit qu’aucune religion n’aura un caractère officiel mais l’Eglise espagnole de par son passé a une relation privilégiée avec l’Etat.
L’Amérique a des caractéristiques laïques mais on lit « God with us » sur le billet vert.
- A-t-on inscrit ce principe dans des textes internationaux ?
La France a traduit l’expression de la laïcité juridiquement.
En Europe la cause laïque est difficile à défendre. Il y a plusieurs configurations :
En Angleterre l’anglicanisme
En Belgique la laïcité est une option parmi d’autres. Il y a confusion entre laïcité et athéisme.
Il n’y a pas de consensus pour établir la laïcité au rang d’une exigence internationale.
On parle de « racines chrétiennes » de l’Europe : c’est réduire l’Histoire à un seul chapitre. Il y a d’autres sources : l’antiquité gréco-latine, la Renaissance, la pensée des lumières, la pensée sociale du 19ème
La laïcité trouve des résistances dans 2 adversaires :
- Les privilèges des religions
- La tradition patriarcale sociétale : les tenants des traditions réactionnaires inventent un vocabulaire « laïcité ouverte »
La religion fait partie de la sphère privée.
En ce qui concerne l’encadrement scolaire, le principe de laïcité dit qu’il faut ne mettre en avant aucune conviction religieuse (ni tee-shirt avec inscriptions, ni voile). Les écoles ne sont pas faites pour manifester mais pour enseigner. On ne doit pas mettre en avant ce qui divise. La raison en est l’égal respect des personnes vulnérables.
- La laïcité peut-elle apparaître comme une arme de défense ou d’attaque ?
Pour Caroline Fourest la laïcité est un bouclier (arme de défense). Quelle est la cible : le fanatisme religieux. Il y a confusion entre savoir et croire.
Je sais que l’eau bout à 100 degrés (rigueur rationnelle) / je crois en Dieu (je ne sais pas Dieu)
A la violence du fanatisme, on n’oppose pas une contre violence mais la persuasion rationnelle qui laisse libre. C’est le rôle de la citoyenneté active.
Il faut que la loi commune repose sur des principes bons pour tous.
- Savent-ils ce qu’ils croient ?
Confondre croyance et connaissance est la base du fanatisme.
Cf. Montaigne « il ne faut pas confondre la peau et la chemise »
- Trump ?
La laïcité est le pari de l’intelligence.
L’école est le lieu de l’enfant devenu élève.( Il s’élève). C’est le lieu où il apprend des choses qui lui permettront de s’élever.
- Que pensez-vous de la volonté de l’Etat de former des imams après les attentats ?
Ce n’est pas à l’Etat de former des responsables religieux.
- Il va restaurer ainsi une posture gallicane (cf. Philippe le Bel qui voulait nommer lui-même les évêques.
J’exclue toute démarche gallicane au nom de la laïcité.
- Penser « Payons des mosquées, comme ça nous contrôlerons ce qui s’y passera » est une démarche de mécénat remontant à l’Ancien Régime quand payer donnait le droit d’exiger une orientation de l’œuvre.
- Que faire pour empêcher des imams ( ou autres) de dire des bêtises ? Il faut utiliser la rigueur des lois. (cf Rousseau dans le Contrat Social « un état de droit régule les rapports entre les êtres par des lois » :
Il y a des lois contre l’incitation à la violence contre les femmes adultères pour certains imams, contre ceux qui font des commandos anti-avortement dans les hôpitaux (Monseigneur Lefèvre), contre l’interdiction du film « la dernière tentation du Christ» au nom de la religion ;
En fait former des imams est une remise en cause cachée de la loi de 1905. Ne payons pas l’orchestre pour dicter la musique.
- Que pensez-vous des jours fériés religieux ?
Je me battrai
Pour l’abrogation du Concordat,
Pour l’abrogation de la loi Debré,
Pour que les hommes politiques respectent la laïcité :
Fillon se rend à la béatification de Jean-Paul 2, Vals à sa canonisation en disant que c’est normal pour une bonne relation entre 2 états.
Georges Clemenceau en 1918, alors qu’il était président du conseil avait dit qu’il était hors de question que le gouvernement siège sur les bancs de Notre Dame de Paris pour un Te Deum mais il laissait à chacun à titre privé la liberté de se mêler à la foule.
Quand le FN dit « nous les cathos/eux les musulmans », il détourne la laïcité à des fins qui ne sont pas les siennes ;
De même Anne Hidalgo n’a pas à dépenser 70 000 euros pour la fête de l’Aïd (rupture du jeûne du Ramadan)
Nombreux sont les élus qui bafouent la laïcité par clientélisme électoral.
L’ambition est plus forte que la conviction.
Les photos du 28 janvier avec Henri Pena-Ruiz….
Un débat citoyen prolongera la réflexion. Il permettra d’aborder les questions vives de l’actualité. Le conférencier – Henri Pena-Ruiz – dédicacera ses derniers livres.
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Samedi 28 janvier, 16 h. CHÂTENAY-SUR-SEINE – Salle Marcel Lepême.
Il faut aimer la laïcité et encore plus ceux qui la défendent.
Notre avenir dépend en grande partie de notre force à faire respecter la laïcité.
Mettre en avant la laïcité c’est du respect et de la liberté pour tous.
Bon courage à tous
FRATERNITE
Michel RENAULT
Merci de votre participation Michel. Puisse l’humanité éclore en ce sens, avec la participation lucide du plus grand nombre.
Parmi d’autres deux coquilles :
Bisanti et non pas :
“Remerciements à Christian Bizanti et aux auditeurs”
Atatürk et non pas :
“Rappel : Ata Turc décide que la loi musulmane de décidera plus, l’égalité des sexes est proclamée dès 1926. En 1934 elles ont le droit de vote. (en 1944 en France)”
Un tilde sur le n de Peña-Ruiz rendrait son patronyme plus hispanique
Enfin, écrire “Yvette Roudy, ministre des droits de la femme de 1981 à 1986 dit que le mari est le chef de famille” peut prêter à confusion et laisser supposer que Madame Roudy défendait ce principe alors même qu’elle dénonçait cet archaïsme..
Nous prenons note. C’est vrai que nous n’avons pas pris le temps d’une relecture-correction. Nous aurions dû !
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